23 mars - 27 mai 2012
Lagon bleu, cirques verdoyants, sable immaculé et cocotiers, ciel azuré, cases en bois néo-classique ; l'iconographie photographique contemporaine montre le plus souvent La Réunion comme un immense parc pour touristes de l’hémisphère nord. Ces "images marchandes" de l'île nous parlent d’exotisme suivant une vision ethnocentrique européenne.
Face à cette esthétique de l’altérité, François-Louis Athenas nous propose un affrontement, un « contre-environnement », où la société consumériste a imposé son modèle à cet Eden tropical. Le travail instaure une tension entre paysage et réalité sociale. Les prises de vues révèlent des apparences occultées à la périphérie de l’illusion commune.
L’exotisme n’est plus « l’autre lointain » de l’occidental en mal de dépaysement mais bien « ce qui n’est pas naturel au pays » pour reprendre la définition initiale du Littré.
Cette interaction contradictoire entre la topographie et la civilisation devient non plus un paysage, mais un portrait "en creux" de La Réunion. Le travail adopte ainsi les codes formels de la peinture, basculant le format horizontal du « paysage » en une verticalité abrupte du « portrait ». Cette élévation induit une certaine distance à l’égard du pittoresque lié à toute vision horizontale encadrée. La modification apparente du cadrage engendre une autre temporalité et souligne une appréhension convergente vers la scène centrale où l’action de l’homme, toujours absent, est enchâssée dans l’environnement.
Ici d’image en image, la ligne d’horizon dessine un arrière-plan analytique qui en modifie profondément la perception. Ce lien nous invite à une promenade, une marche, où le récit se constitue progressivement sous le regard. La ligne médiane devient le fil rouge d'un questionnement où le ciel plombé dispense une lumière pastel étouffée par l’humidité ambiante. Cette conquête de l’étendue, sublime poésie contemporaine, métamorphose l’usure et les effets du temps.
Cette esthétique de la banalité déconstruit l’image exotique tout en définissant toute la complexité de l’identité tropicale réunionnaise.
La carcasse de voiture abandonnée au creux du Ouaki, les blocs de béton immergés sous la route littorale et le môle de Sainte Marie, la pancarte esseulée sur la plage de boucan, les panneaux solaires en rang sur le parking sont autant de manifestations d’un land art introverti. Toutefois, dans ce conflit violent avec le paysage, l’image questionne avant tout La Réunion dans son rapport au monde.
Ces images, messages visuels recueillis depuis 2007, fonctionnent comme les révélateurs d’une esthétique du quotidien qui interroge le spectateur. L’inscription de cette exposition de tableaux contemporains dans la mémoire collective du musée Léon Dierx dédié aux portraits et paysages dépasse son impact culturel pour instaurer une nouvelle socialité de l’image.
Au cœur de ce champ ouvert aux questionnements, Pascal Knoepfel a installé au sol des cimaises angulaires suivant un dispositif aléatoire et chaotique. Ces masses géométriques formelles présentent un enchaînement en fonction du mouvement du regardeur. Cette œuvre qui procède directement de la marche dans le surgissement de la déconstruction du monde établit un dialogue s’opposant radicalement à toute esthétique académique.
Exotisme,: « ce qui n’est pas naturel au pays » Littré 1878.Yves-Michel Bernard, historien de l'art, enseignant à l'ESA et à l'ENSAM - Réunion