Après avoir cartographié, grâce à un relevé LiDAR (Light Detection and Ranging) en 3D le site de l’Ilet à Guillaume en 2019, le Département de La Réunion démarre l’étude archéologique et historique en vue de mettre en valeur l’ancienne colonie pénitentiaire pour enfants. Cette action de terrain se déroule du 5 au 31 octobre.
Consulter le panneau de chantier
Sans impact sur le site - situé au cœur du Parc National et inscrit au titre des Monuments Historiques depuis 2008 -, ce chantier est mené par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).
Les connaissances acquises par une équipe pluridisciplinaire constituée d’historiens, d’archéologues, d’un spécialiste des études de bâti, d’un topographe et photogrammètre, et d’une archéobotaniste, constitueront les bases scientifiques d’un projet de valorisation du site accessible au grand public.
C’est la première fois à La Réunion que des études scientifiques croisant l’archéologie, l’environnement, l’histoire et les nouvelles technologies sur la connaissance d’un patrimoine bâti et naturel seront menées à cette échelle.
Le Département de La Réunion est accompagné dans ce projet par la Direction des Affaires Culturelles (DAC) de La Réunion en tant que partenaire scientifique, et bénéficie du soutien financier du FEADER.
L’Office National des Forêts (ONF) a préparé le terrain pour l’équipe d’archéologues par une opération préalable de nettoyage du sous-bois au cours du mois de septembre, dégageant ainsi les vestiges de la case du Frère Alexandre à La Fenêtre, et les vestiges du plateau de l’îlet.
Une colonie pénitentiaire du XIXe siècle
Le plateau de l’Îlet à Guillaume abrite les vestiges d’une colonie pénitentiaire pour enfants qui a fonctionné de 1864 à 1879. Ce plateau isolé de 5 ha, situé à 700 mètres d’altitude, a pu être un lieu de marronnage et a été cultivé au XIXe siècle.
L’implantation du pénitencier a été initiée par les missionnaires de la Congrégation du Saint-Esprit. Ils gèrent alors la léproserie de Saint-Bernard et le Domaine de la Providence, lieu d’un premier pénitencier transféré vers l’îlet lors d’une épidémie de typhus. Encadrés par les pères spiritains, jusqu’à 180 enfants construisent logements, chapelle, ateliers, terrasses et enclos agricoles. Ils aménagent l’accès depuis la Fenêtre, où l’on peut voir les vestiges de la case du Frère Alexandre.
Au pénitencier, les enfants cultivent, récoltent, s’occupent des animaux de la basse-cour et travaillent à la forge ou à la scierie.
Les conditions de vie excessivement difficiles, ajoutées aux tensions entre le monde clérical et la Colonie, désormais laïque et républicaine, accélèrent le déclin du pénitencier. Sa fermeture, décidée en 1871, est définitive en 1879.
Par la suite, l’îlet est temporairement colonisé avant d’être abandonné jusqu’aux travaux de plantations entrepris par l’Office national des forêts entre les années 1950 et 1970. Le paysage actuel rend compte de ces différentes périodes d’aménagement.
Une nouvelle étude des vestiges
En s’appuyant sur une nouvelle lecture des archives nationales et locales, l’histoire du pénitencier sera abordée à travers les particularités de la Colonie mais aussi au regard de l’histoire de la justice des mineurs au XIXe siècle.
A La Fenêtre et sur le plateau, près d’un ha de vestiges maçonnés feront l’objet de relevés de détail, soit manuels soit par la technique de la photogrammétrie (en 3D), sur la base d’une cartographie obtenue par l’analyse d’un relevé LiDAR (Light Detection & Ranging), commandé par le Département en 2019.
La flore du plateau sera répertoriée pour y détecter la végétation relictuelle, c’est-à-dire la végétation se développant dans un milieu protégé.
Ces études archéologiques et environnementales concourront à l’interprétation de l’iconographie et donneront une nouvelle image des travaux entrepris, constructions et plantations, pendant la période du pénitencier, mais peut-être aussi avant son installation et depuis son abandon.
Un accompagnement du chantier plus sensible à travers une démarche artistique
Le Département a souhaité que le chantier archéologique soit accompagné par une démarche artistique.
Kitsuné, dessinatrice de carnets de voyage et de bande dessinée, va réaliser un carnet de terrain dessiné en s’inspirant de l’histoire du site, des paysages, du travail des archéologues et du lien avec le quartier de Saint-Bernard et ses habitants.
Vers un réseau de lieux d’interprétation et de mémoire pour tous les publics
La protection du sentier et de l’Ilet à Guillaume témoigne de son grand intérêt historique et patrimonial et incite le Département à mieux connaître et préserver les vestiges pour en faire un lieu d’évocation et de mémoire intelligible pour tous les publics.
Ce site a vocation à s'inscrire dans un réseau de lieux de mémoire à construire, en cohérence tant historique, géographique, environnementale que touristique avec les Lazarets via le chemin des Anglais, la léproserie de Saint-Bernard, le domaine de la Providence ou encore la prison Juliette Dodu.
Accessible par deux sentiers de grande randonnée, l’un historique, partant de La Montagne jusqu’à l’Ilet à Guillaume, l’autre de la plaine d’Affouches par la route forestière, ce site est bien connu des randonneurs. Près de trois heures de marche sont nécessaires pour l'atteindre.