« Bon voyage ! » Avec ces mots et le sourire, les hôtesses à l’accueil du Musée du Sel vous tendent votre ticket d’embarquement. Oui. Parce que c’est un véritable périple en 8 escales qui est proposé à l’exposition permanente proposée aux visiteurs de ce musée totalement rénové par le Département et inauguré le 12 novembre à la Pointe au Sel.
Le voyage passe par les salines d’Antsiranana, de Morondava, de Belo-sur-mer, d’Ifaty, de Toliara (Madagascar) ; de Bandrélé (Mayotte) : de Tamarin / Rivière Noire (Maurice) et de Pointe-au-Sel à Saint-Leu (La Réunion). Le public déambule devant des vitrines immersives sur lesquelles défilent les images. Pour chaque escale, une saynète des personnages en terre cuite réalisés par l’artiste Anny Ethève-Lelièvre, s’allume. Placé sous un dispositif d’écoute, le visiteur est immergé dans l’ambiance sonore et les scènes de vie dans les endroits visités et entend les témoignages des personnages qui racontent leur métier de saunier ou le fonctionnement de leurs salines…. Ils parlent aussi de transmission de savoir, de savoir-faire, de bien et de patrimoine.
Lorsque le film s’arrête, la vitrine s’éclaire, dévoilant comme par magie des objets en arrière-plan : le visiteur se trouve ainsi comme « téléporté » dans une boutique malgache dite « épicerie » où le sel est proposé en sachet au milieu des produits de premières nécessités et autres ustensiles du quotidien vendus aux détails : boîte d’allumettes, aiguilles, savons… Fil rouge du voyage, des images de l’océan sont projetés en permanence au sol et sur les murs de l’espace d’exposition, offrant des temps de respiration entre les escales et rythmant le voyage de ses flots. D’autres animations ludiques sont aussi proposées sur le trajet, à l’instar de ces jeux de cubes sur l’utilisation et la consommation du sel. Une vraie charrette pour transporter exclusivement du sel, ramenée de Madagascar, constitue l’une des pièces-maîtresses du musée.
Le voyage s’achève au niveau de la magnifique boutique-souvenirs où sont proposés sur une étagère des bocaux contenant toutes les variétés de sel produites dans les 8 endroits visités, ainsi que le sel de terre de Ranomay dans le Sud de la Grande Île. Sans oublier les produits péi dérivés, ou utilisant, parmi ses ingrédients, le sel de Saint-Leu.
À la sortie du bâtiment de l’espace musée du sel, le visiteur ne manquera pas de se rendre au bord des bassins de décantation de la Saline de Saint-Leu et de croiser les sauniers péi avec leur balai et leur pelle.
« Ces Salines sont à la Pointe-au-Sel ce que le piment est au rougail tomates. Ce site est à l’Histoire de La Réunion ce que le sel est au cari » a déclaré le Président du Conseil départemental, Cyrille Melchior lors de la soirée d’inauguration. « Cette histoire-là, nous nous obstinons au Département à la conserver et à continuer à la faire vivre au cœur de ces installations qui retrouvent une âme. Un patrimoine réunionnais que nous nous acharnons à préserver de l’oubli des Hommes et des outrages du temps ».
En présence de nombreuses personnalités, dont la nouvelle sous-préfète de Saint-Paul Sylvie Cendre ; la Vice-présidente du Département déléguée à la Culture Béatrice Sigismeau, également présidente de la SPL Edden ; le maire de Saint-Leu Bruno Domen ; les responsables d’associations et des bénévoles ; les agents du Musée du Sel, le Président Cyrille Melchior a rendu un vibrant hommage à l’équipe de création et de réalisation de l’exposition, pilotée par Sonia Ribes-Beaudemoulin, conservatrice en chef du patrimoine et directrice du Muséum d’histoire naturelle de La Réunion de 1990 à 2019.
Pour le Président Cyrille Melchior : « Ce site culturel constitue un instrument essentiel destiné à nous guider dans notre volonté de garder un lien avec le passé. Pour conserver les traces des aïeux qui ont bâti cette fabrique de sel à la sueur de leur front et redonner à ce site sa pleine dimension de musée du sel ».
Quelques lignes d’histoire…
La construction des Salines de la Pointe-de-Bretagne (ancien nom de la Pointe-au-Sel) remonte au début des années 1940, durant la seconde guerre mondiale où il a fallu trouver une alternative au sel qui n’arrivait plus de Madagascar. L’idée d’un certain Dussac, (parent de Jean Dussac, premier usinier du domaine de Stella Matutina) de lancer une exploitation de sel marin pour la consommation locale est vite mise en chantier. Les travaux sont assurés par des ouvriers dont on oublie un peu trop souvent et trop vite le rôle majeur et auxquels il faut rendre hommage. Des pierres de taille sont alors rigoureusement alignées, des bassins sont créés, des pompes sont installées pour acheminer l’eau de mer à travers les installations.
Le processus de fabrication peut commencer : l’eau de mer est aspirée puis rejetée 300 mètres plus loin dans un bassin de tête qui alimentera le reste des bassins. Profitant des conditions climatiques idéales sur le site, l’eau s’évapore au fur et à mesure de son parcours. La concentration en sel progresse tout au long des bassins de décantation pour enfin voir les cristaux de sel se former à la surface de l’eau des cristallisoirs. Ainsi, quelque 250 tonnes de sel sont produites ici dès 1944.
Au lendemain de la guerre, les activités commerciales des Salines sont abandonnées faisant suite à la reprise des importations en provenance de Madagascar.
Tout est parti de l’ancien entrepôt de stockage du sel…
Le Département gestionnaire du site de la Pointe-au-Sel a réalisé de nombreux travaux. Les fuites ont été réparées à chaque fois ; un cuvelage en béton armé, à l’intérieur même des bassins d’origine afin de conserver le côté traditionnel des infrastructures, a été effectué. Le tout, en conservant la part d’authenticité des infrastructures.
D’autres aménagements ont aussi été mis en œuvre :
- création d’un espace boutique-accueil, mettant en avant les artisans utilisant le sel de Saint-Leu,
- repositionnement des sanitaires pour le public y compris pour les personnes à mobilité réduite,
- révision des installations électriques adaptées à la mise en place de la nouvelle scénographie et le fonctionnement du musée,
- installation d’une centrale de traitement d’air au niveau de la salle d’expositions,
- travaux de drainage des eaux de ruissellement.
En 2004, un projet économico-touristique a vu le jour afin de relancer la production d’un sel de grande qualité et de valoriser ce site sauvage exceptionnel, acquis par le Conservatoire du Littoral pour le protéger de la pression immobilière.
Dans l’ancien entrepôt de stockage du sel, le Département de La Réunion, a installé un Musée du Sel rattaché au Muséum d’Histoire naturelle de Saint Denis. Il permet au visiteur de comprendre les différentes étapes de la fabrication du sel et d’apprécier le travail des sauniers.
Après treize années de fonctionnement, le musée se rénove en s’ouvrant sur les îles de l’océan Indien qui produisent du sel. Ainsi naît l’exposition Sel Sira Shingo… Que les procédés soient industriels ou artisanaux, ce sont des hommes et des femmes aux histoires uniques et particulières qui récoltent le sel à Madagascar, à Mayotte, à Maurice et bien sûr à La Réunion.