Le goût se forme pendant l’enfance, quand le plaisir d’expérimenter s’associe à des papilles plus disponibles. Sabine Dijoux n’a jamais oublié la sienne, à Saint-André dans les années 60, ni les marmites qui traversaient la cour en volant lorsque sa mère ne retrouvait pas les saveurs espérées dans ses premières préparations. « J’avais intérêt à m’appliquer » raconte aujourd’hui celle qui a fait de la cuisine créole traditionnelle son combat, mené de sa table d’hôte jusqu’aux formations qu’elle dispense désormais, en passant par les médias de l’île et, jusqu’au 3 mars, le Salon international de l’agriculture, au cours duquel elle réalise les animations culinaires du « Village Réunion ».
Sabine Dijoux a découvert la cuisine à l’âge de huit ans. A dix, elle tuait elle-même le poulet. C’est sa mère, « excellente cuisinière », qui lui a tout appris, dans le « fief de la gastronomie réunionnaise », Saint-André donc. « La cuisine réunionnaise, c’est 70% au moins d’ingrédients d’origine indienne, explique-t-elle. C’est toute notre base de cuisine. Et quand j’étais enfant, 70% de la population de Saint-André était malbare. » « Ma pièce préférée, c’est la cuisine, raconte-t-elle encore. C’est la pièce la plus chaude de la maison, là où on va prendre un café, se parler, c’est là que se trouve la vie de famille. »
A seize ans, la Saint-andréenne a quitté l’école pour travailler comme nénène dans une famille aisée. Elle est ensuite passée par un CAP soudure et la vente de livres, avant de se lancer dans l’agriculture et d’ouvrir une table d’hôte, finalement fermée en 2013. Elle y servait jusqu’à 80 couverts et assure que le nombre ne doit pas servir d’excuse à une baisse de la qualité ou justifier un changement de recette. « Nous avons une cuisine authentique mais elle dérive, dénonce ainsi Sabine Dijoux. Les gens lui tournent le dos. Ils mangent vite, le moment de partage se perd. Il y a les téléphones, les barquettes… Il faut que les gens réapprennent à cuisiner. C’est possible même pour 100 personnes. »
Son credo, Sabine Dijoux l’a beaucoup dispensé depuis une vingtaine d’années sur les ondes radio de Réunion la 1ere et à la télévision. Elle l’a aussi décliné en livre, « La cuisine de Sabine », édité à compte d’auteur faute de trouver une maison d’édition qui la soutienne. « Quand j’avais ma table d’hôte, 80% de mes clients étaient Réunionnais, continue-t-elle. Ils venaient de partout et me demandaient toujours mes recettes. Quand je me suis cassé les côtes en 2013, je ne pouvais plus travailler, je me suis mise à écrire. Je pourrais en faire cinq numéros, mais ça coûte un peu cher. »
Désormais, c’est à travers des formations, ouvertes à tout public, mais auxquelles se pressent surtout des gérants de tables d’hôte, que Sabine Dijoux dispense son savoir-faire et son goût pour les recettes bien réalisées. « Il faut retrouver les bons gestes, martèle encore la Saint-andréenne. Quand on roussit de la viande et des oignons, ça veut dire quelque chose, pas jeter deux minutes dans une poêle. Moi, je veux transmettre, je veux que les gens reviennent à ce goût-là, à tout ce qui nous a fait. »
Une préparation sous les yeux des visiteurs
Deux fois par jour, à 10h et 15h, Sabine Dijoux fait la cuisine sous les yeux des visiteurs, dans le Village Réunion monté par le Conseil départemental pour la soixantième édition du Salon international de l’agriculture (SIA). Après un cari poulet et un pâté créole le jour de l’ouverture du salon, samedi 24 février, c’est à un cabri massalé qu’elle s’est attelée le lendemain.
Découpe des oignons et de l’ail, cuisson du cabri frais, ramené de La Réunion, ajout du curcuma et du massalé, le visiteur assistait à toutes les étapes de la préparation. Quelques-uns venaient lui poser des questions, et elle y répondait volontiers, toujours soucieuse de partager sa passion.
La préparation du cabri massalé était aussi l’occasion, grâce à l’animateur du Village Réunion, de présenter un producteur d’épices, Gabriel Patchane-Lacane, patron de la société Trésor des engagés, installée à la Rivière Saint-Louis. Au micro, celui-ci détaillait la torréfaction du mélange de coriandre, de cumin, de fenugrec, de moutarde et de kalou pilé qui produit le massalé. Sabine expliquait aux visiteurs à quel point cette épice compte dans la cuisine réunionnaise.
Pour la dégustation, toujours très appréciée des visiteurs, Sabine Dijoux garnissait des cuillères de riz sur lesquelles le cabri massalé était présenté en petite quantité. Dans la journée, elle préparait aussi des bonbons miel, avant de passer au rougail chevaquine, aux bonbons piment, au sosso mais dans les jours qui viennent.