Déconfiner les corps pour apaiser les esprits
« C’est le moment pour les artistes de contribuer à la résistance », les mots de Soraya Thomas, invitée surprise du festival Total Danse reflètent parfaitement la cacophonie de cet instant T du monde. Les corps doivent continuer à s’exprimer et nous raconter une histoire… des histoires. Une édition contrainte et paradoxalement une véritable ode à la vie, celle d’avant mais surtout celle d’aujourd’hui.
« Depuis que les théâtres ont rouvert, nous avons 100 % de remplissage avec une jauge contrainte bien évidemment », Pascal Montrouge est heureux que le spectacle puisse continuer et que le festival phare des Téat puissent exister malgré un contexte difficile.
Une programmation de haute voltige pour cette édition Total Danse 2020. Il y a le coup de cœur de la programmation avec le corps nu de Soraya Thomas. Et une fois qu’on aura dit que la danseuse et chorégraphe est nue on peut se plonger dans la profondeur de son propos. « Mon spectacle parle de résistance du corps des femmes. Une résistance physique, psychologique et politique », explique Soraya Thomas. L’artiste parle ici d’un monde qu’elle perçoit âpre, où les rapports sociaux sont de plus en plus extrêmes. Une nouvelle création qui constitue le 2ème volet du tryptique « la Révolte et l’intime » débuté en 2009 avec « la Révolte des papillons ». « Et mon cœur dans tout cela ? » s’interroge Soraya. Un solo chorégraphique véritable manifeste pour une femme, noire, qui a dépassé le cliché du corps exotique, du corps objet, hypersexualisé qui se révolte et qui résiste. « Dans l’actualité récente et notamment les attentats, on voit que ce sont les corps qui sont devenus des cibles. A travers ces corps meurtris, il y a des histoires qui se racontent. Et en tant qu’artiste on se doit de percevoir et retranscrire ces messages», précise Soraya.
Le Butô de Sankai Juku
Il ne faudra pas rater « Unetsu » de Sankai Juku le fondateur et chorégraphe qui transmet ici la puissance de sa vision artistique à une nouvelle génération de danseurs. L’œuvre fondatrice de renommée internationale a été créée en 1986. Au dessus de la scène des colonnes d’eau et de sable qui descendent du ciel. Sur la scène des danseurs Butô, cette forme de danse qui transcende les réactions de la génération « post-Hiroshima » au Japon avec une approche radicale de la danse contemporaine japonaise à la fin des années 50. La mort, la vie… un va-et-vient fascinant.
Autre découverte et coup de foudre pour Pascal Montrouge, Gaëlle Bourges de l’association OS. On continue à faire parler les corps mais cette fois-ci des corps de poupées. Entre théâtre et contes anciens, deux scènes de bain célèbres, peintes par Le Tintoret et l’Ecole de Fontainebleau au XVIème siècle, servent de support pour une pièce tout en beauté et en finesse. « C’est un très, très, très beau spectacle qui doit absolument trouver son public ».
Ancrée dans le sol mais aussi virevoltant dans les airs, Total Danse nous emmène au cirque avec la Compagnie Cirquons Flex et la Compagnie Quotidienne. Cirquons Flex qui joue ici la solidarité en s’unissant à deux autres compagnies, Traits d’Union et Cirké Craké pour inventer une nouvelle approche du mouvement acrobatique. De son côté avec « Vol d’usage », la Compagnie Quotidienne Jean Charmillot et Jérôme Galan nous replonge en enfance avec une bicyclette comme celle d’ET de Spielberg qui espère vaincre les lois de la gravitation.
A découvrir également, Näis (les gens) en arabe de Fouad Boussof. 7 interprètes masculins experts en danses urbaines sautent, tremblent, tombent sur des rythmes nord-africains. Une quête identitaire entre traditions et influences extérieures.
A l’affiche de ce Total Danse, on retrouve la Compagnie DCA de Philippe Decouflé pour de « Nouvelles Pièces Courtes » et six créations déjantées tout en couleur. Danse, chant, acrobaties… pour un spectacle loufoque et élégant.
La Battle de l’Ouest clôturera le Festival. 15 ans après, l’art de la danse urbaine sous les étoiles du Téat Plein Air laisse entrevoir une danse de survie qui prend encore plus de sens avec la crise que nous traversons.
Il faut définitivement laisser les corps s’exprimer.
Retrouvez toute la programmation sur teat.re
Sankai Juku
La petite souris du Total Danse :
Olivia Fourets ou l’envers du décor
Cette jeune femme pétillante au regard malicieux a accepté le challenge de photographier les coulisses du festival et d’accrocher le cliché choisi chaque soir de spectacle. Des instants volés mais ô combien précieux. « Dans les coulisses de l’intime » ou l’autre regard pour que le spectateurs voient enfin ce qui se trame derrière le rideau avant que ce dernier ne s’ouvre.
Galerie du Téat de Champ-Fleuri :
Exposition du jeudi 5 novembre au vendredi 18 décembre
BDLO